La transformation de l’Arche de Darwin

A environ un kilomètre au sud-est de l’île principale de Darwin, l’arche de Darwin est l’une des icônes de l’archipel des Galápagos. La structure sous-marine du récif est un mélange de lave et de corail amalgamés qui tombe sur un fond de sable et s’éloigne de l’île et de l’arche. Dans la nuit du dimanche 16 mai 2021, un phénomène naturel va faire changer à tout jamais l’apparence de l’une des images d’Épinal de l’archipel. La partie supérieure de l’arche s’est effondrée dans un vacarme assourdissant. Témoin du passage du temps, l’archipel des Galápagos devient encore une fois le laboratoire d’une évolution qui, en bien ou en mal, fait changer l’aspect de la terre. Battus par les forts vents et un ressac incessant, cette arcade de tuf avait déjà été façonnée par les éléments et le temps.

L’arche de Darwin avait l’apparence d’un pont marquant l’entrée d’un monde magique.

 

L’île de Darwin est la plus septentrionale de tout l’archipel des Galapagos.  Nommée en l’honneur du scientifique anglais, l’île fait partie du linéament Wolf-Darwin. Cet accident de l’écorce terrestre s’étend vers le nord de la plate-forme des Galápagos le long de la dorsale médio-océanique séparant les plaques tectoniques de Nazca et de Cocos. Elle est le vestige d’un volcan éteint, dont l’origine géologique est donc séparée du reste de l’archipel. On pense d’un côté que le magma qui a formé les principales îles de l’archipel a été canalisé vers le centre d’étalement des Galápagos, au nord, et a formé l’île Darwin, mais une autre théorie affirme qu’une montée différente de magma, par une faille transformante, causée par un stress dans la lithosphère océanique, aurait permis la création de ces îles.

Le passé mouvementé de l´archipel est encore perceptible sur la grande majorité des îles par la présence de flux de lave de types très différents.
Le passé mouvementé de l´archipel est encore perceptible sur la grande majorité des îles par la présence de flux de lave de types très différents.

 

La superficie de l’île de Darwin est d’environ 2,33 km2 et ses plateaux culminent à plus de 160 m au-dessus du niveau de la mer. Les parois abruptes et aux formes accidentées, qui ceinturent l’île, la rendent inaccessible tout en lui donnant un air imposant et mystérieux. Isolé ainsi par le temps et protégé de prédateurs naturels et d’espèces invasives, cet immense caillou immergé est le théâtre d’une activité aviaire impressionnante et unique. La grande majorité des espèces ou sous espèces présentes sur ces plateaux, est endémique, comme c’est le cas des iguanes marins (Amblyrhynchus cristatus), l’une des plus sombres et des plus petites de tout l’archipel, mais aussi du taxa de la tourterelle des Galapagos (Zenaida galapagoensis exsul) bien plus sombre et « sale » que la sous espèce nominale des îles principales. Le moqueur des Galapagos a également une sous-espèce micro-endémique sur l’île de Darwin (Mimus parvulus hulli). Quant au taxa austral du Géospize à gros bec (Geospiza magnirostirs darwinii), beaucoup d’ornithologues pensent qu’il s’agit en fait de la 15ième espèce de « pinson de Darwin ».

Femelle de géospize vampire pillant un œuf de fou de Nazca sur l’île de Darwin.
Femelle de géospize vampire (Geospiza septentrionalis) pillant un œuf de fou de Nazca sur l’île de Darwin.

 

Beaucoup d’études taxonomiques restent donc encore à faire sur les populations de petits passereaux de cette île, mais le plus énigmatique de tous reste le Géospize vampire (Geospiza septentrionalis), qui, en plus d’une aptitude particulière a pillé les œufs des fous de Nazca, a développé la capacité de leur sucer le sang. Ce petit « pinson de Darwin » hématophage, surtout confinés sur les hauteurs de l’île où se trouve la majorité des crotons et des cactus opuntia qu’il utilise pour nicher, compense, durant l’époque sèche, le manque de nourriture « traditionnelle » par l’absorption d’hémoglobine, qu’il vient ponctionner sur le bas du dos des fous, après les avoir blessés jusqu’au sang grâce à un bec spécialement adapté à cet effet. Une étude en cours tente de déceler une possible adaptation physiologique de ces passereaux qui pourraient secréter, tout comme certaines chauves-souris, des protéines anticoagulantes leur facilitant ainsi la disponibilité de cette ressource alimentaire alternative lors que les graines font défaut.

Sur ces mêmes plateaux, mais aussi sur tout le pourtour de l’île se trouve l’une des plus grandes colonies de fous à pieds rouges (Sula sula) et de fous de Nazca (Sula granti) recensés sur t’intégralité des Galapagos. Plusieurs dizaines de milliers de ces oiseaux semi-pélagiques utilisent cette zone à la fois comme lieu de reproduction et de nidification. Les eaux de cette partie de l’archipel de Galapagos sont particulièrement agitées et soumises à de nombreux courants croisés qui charrient de grandes quantités d’aliments pour ces deux espèces de fous, mais aussi pour le phaéton à bec rouge, les puffins et pétrels des Galapagos et de plusieurs espèces d’océanites. Les températures de l’eau ici sont les plus tempérées de l’archipel, malgré cela celle-ci transporte l’une des biomasses les plus impressionnantes de toute cette partie du Pacifique, donnant la possibilité aux plongeurs venant du monde entier de nager avec les squales les plus mythiques de cet océan. Mais cette activité n’est que pour les plus aguerris. En effet, les forts courants balaient continuellement les récifs où planent paisiblement de grands bancs de requins-marteaux halicorne (Sphyrna lewini), qui se détachent de leurs bancs afin d’être nettoyés des parasites et des morceaux de vieille peau par des bancs de poissons-papillons à nez noir (Johnrandallia nigrirostris) et de demoiselles royales (Holacanthus passer). En outre, d’autres espèces de requins sont également observées ici, notamment le Requin des Galápagos (Carcharhinus galapagensis), le Requin soyeux (Carcharhinus falciformis), mais le requin-baleine (Rhincodon typus), le plus grand poisson connu de l’océan reste la star de ces eaux.

La confluence des courants enrichit les eaux tempérées de cette partie de l’archipel de Galapagos, ceci pour le plus grand bonheur de toutes sortes de prédateurs dont les dauphins souffleurs (Tursiops truncatus) qui chassent en grands bancs et aiment à suivre les bateaux en jouant dans leur étrave.

 

Mille fois photographiée et filmée, cette iconographie darwinienne vient donc d’être engloutie par le temps et par les eaux du Pacifique. Les débris qui ont maintenant rejoint le royaume de Neptune serviront de refuge aux nombreuses créature marines qui peuplent ces eaux.  Ce n’est pas la première fois que ce type de structure fragile, succombe aux aléas de l’érosion, mais avec la perte du plafond de l’arche, plusieurs espèces d’oiseaux pélagiques, qui avait choisis ce site isolé pour nicher, devront rejoindre la proche île de Darwin, pour s’y trouver un nouvel espace sur lequel reprendre la dure tâche de faire prospérer l’espèce, pour que l’équilibre écologique de l’archipel se maintienne.

Île de Darwin aux Galápagos

 

Photos et texte par Xavier Amigo, votre guide chanceux d’avoir vu l’arche de Darwin le mois dernier lors de son passage au Galápagos.

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